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tenait du bœuf bouilli, réchauffé avec des pommes de terre. On se mit à manger.

Une grande carafe pleine d’eau, légèrement teintée de rouge, me tirait l’œil. Boivin, confus, dit à sa femme :

— Dis donc, ma bonne, pour l’occasion, ne vas-tu pas donner un peu de vin pur ?

Elle le dévisagea furieusement.

— Pour que vous vous grisiez tous les deux, n’est-ce pas, et que vous restiez à gueuler chez moi toute la journée ? Merci de l’occasion !

Il se tut. Après le ragoût, elle apporta un autre plat de pommes de terre accommodées avec du lard. Quand ce nouveau mets fut achevé, toujours en silence, elle déclara :

— C’est tout. Filez maintenant.

Boivin la contemplait, stupéfait.

— Mais le pigeon… le pigeon que tu plumais ce matin ?

Elle posa ses mains sur ses hanches :

— Vous n’en avez pas assez, peut-être. Parce que tu amènes des gens, ce n’est pas une raison pour dévorer tout ce qu’il y a dans la maison. Qu’est-ce que je mangerai, moi, ce soir ?

Nous nous levâmes. Boivin me coula dans l’oreille :

— Attends-moi une minute, et nous filons.