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Nous lui demandions :

— Eh bien, et vous, Mongilet, vous ne vous promenez jamais ?

— Pardon. Moi, je me promène en omnibus. Quand j’ai bien déjeuné, sans me presser, chez le marchand de vins qui est en bas, je fais mon itinéraire avec un plan de Paris et l’indicateur des lignes et des correspondances. Et puis je grimpe sur mon impériale, j’ouvre mon ombrelle, et fouette cocher. Oh ! j’en vois, des choses, et plus que vous, allez ! Je change de quartier. C’est comme si je faisais un voyage à travers le monde, tant le peuple est différent d’une rue à une autre. Je connais mon Paris mieux que personne. Et puis il n’y a rien de plus amusant que les entresols. Ce qu’on voit de choses là-dedans, d’un coup d’œil, c’est inimaginable. On devine des scènes de ménage rien qu’en apercevant la gueule d’un homme qui crie ; on rigole en passant devant les coiffeurs qui lâchent le nez du monsieur tout blanc de savon pour regarder dans la rue. On fait de l’œil aux modistes, de l’œil à l’œil, histoire de rire car on n’a pas le temps de descendre. Ah ! ce qu’on en voit de choses !

C’est du théâtre, ça, du bon, du vrai, le théâtre de la nature, vu au trot de deux chevaux. Cristi, je ne donnerais pas mes prome-