Page:Œuvres complètes de Guy de Maupassant, X.djvu/90

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

On commençait à manger les fraises quand la porte de la malade s’entrouvrit. La commotion fut telle chez les dîneurs qu’ils se trouvèrent, d’un seul coup, debout tous les trois, effarés. Et la petite bonne parut, gardant toujours son air calme et stupide. Elle prononça tranquillement : « Elle ne souffle plus. »

Et Cachelin, jetant sa serviette sur les plats, se précipita comme un fou ; Cora le suivit, le cœur battant ; mais Lesable demeura debout près de la porte, épiant de loin la tache pâle du lit à peine éclairé par la fin du jour. Il voyait le dos de son beau-père penché vers la couche, ne remuant pas, examinant ; et tout d’un coup il entendit sa voix qui lui parut venir de loin, de très loin, du bout du monde, une de ces voix qui passent dans les rêves et qui vous disent des choses surprenantes. Elle prononçait : « C’est fait ! on n’entend plus rien. » Il vit sa femme tomber à genoux, le front sur le drap et sanglotant. Alors il se décida à entrer, et, comme Cachelin s’était relevé, il aperçut, sur la blancheur de l’oreiller, la figure de tante Charlotte, les yeux fermés, si creuse, si rigide, si blême, qu’elle avait l’air d’une bonne femme en cire.

Il demanda avec angoisse : « Est-ce fini ? »

Cachelin, qui contemplait aussi sa sœur, se