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lion, un million net, liquide et solide, acquis par l’amour, disait-on, mais purifié par une dévotion tardive.

La vieille fille, qui avait été galante, s’était retirée avec cinq cent mille francs, qu’elle avait plus que doublés en dix-huit ans, grâce à une économie féroce et à des habitudes de vie plus que modestes. Elle habitait depuis longtemps chez son frère, demeuré veuf avec une fillette, Coralie, mais elle ne contribuait que d’une façon insignifiante aux dépenses de la maison, gardant et accumulant son or, et répétant sans cesse à Cachelin : « Ça ne fait rien, puisque c’est pour ta fille, mais marie-la vite, car je veux voir mes petits-neveux. C’est elle qui me donnera cette joie d’embrasser un enfant de notre sang. »

La chose était connue dans l’administration ; et les prétendants ne manquaient point. On disait que Maze lui-même, le beau Maze, le lion du bureau, tournait autour du père Cachelin avec une intention visible. Mais l’ancien sergent, un roublard qui avait roulé sous toutes les latitudes, voulait un garçon d’avenir, un garçon qui serait chef et qui reverserait de la considération sur lui, César, le vieux sous-off. Lesable faisait admirablement son affaire, et il cherchait depuis longtemps un moyen de l’attirer chez lui.