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la vie il faut savoir s’arranger pour n’être pas dupé par les circonstances. »

Que voulait-il dire au juste ? Que comprit-elle ? Que se passa-t-il ? Ils avaient chacun un calendrier, et marquaient les jours qui les séparaient du terme fatal, et chaque semaine ils sentaient une folie les envahir, une rage désespérée, une exaspération éperdue avec un tel désespoir, qu’ils devenaient capables d’un crime s’il avait fallu le commettre.

Et voilà qu’un matin, Mme Bonnin dont les yeux luisaient et dont toute la figure semblait radieuse, passa ses deux mains sur les épaules de son mari, et, le regardant jusqu’à l’âme, d’un regard fixe et joyeux, elle dit, tout bas : « Je crois que je suis enceinte. » Il eut une telle secousse au cœur qu’il faillit tomber à la renverse ; et brusquement, il saisit sa femme dans ses bras, l’embrassa éperdument, l’assit sur ses genoux, l’étreignit encore comme une enfant adorée, et, succombant à l’émotion, il pleura, il sanglota.

Deux mois après, il n’avait plus de doutes. Il la conduisit alors chez un médecin pour faire constater son état et porta le certificat obtenu chez le notaire dépositaire du testament.

L’homme de loi déclara que, du moment que l’enfant existait, né ou à naître, il s’inclinait et qu’il surseoirait à l’exécution jusqu’à la fin de la grossesse.

Un garçon naquit, qu’ils nommèrent Dieudonné, en souvenir de ce qui s’était pratiqué dans les maisons royales.