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II

Lorsque la guerre fut déclarée, le fils Sauvage, qui avait alors trente-trois ans, s’engagea, laissant la mère seule au logis. On ne la plaignait pas trop, la vieille, parce qu’elle avait de l’argent, on le savait.

Elle resta donc toute seule dans cette maison isolée si loin du village, sur la lisière du bois. Elle n’avait pas peur, du reste, étant de la même race que ses hommes, une rude vieille, haute et maigre, qui ne riait pas souvent et avec qui on ne plaisantait point. Les femmes des champs ne rient guère d’ailleurs. C’est affaire aux hommes, cela ! Elles ont l’âme triste et bornée, ayant une vie morne et sans éclaircie. Le paysan apprend un peu de gaieté bruyante au cabaret, mais sa compagne reste sérieuse avec une physionomie constamment sévère. Les muscles de leur face n’ont point appris les mouvements du rire.