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aux irrésistibles caprices des maîtres. Et il s’éloigna, les larmes aux yeux.

Le train repartit, courant à la frontière.

Alors la comtesse Marie dit à son voisin.

— Ces choses sont pour vous, monsieur, vous êtes Ivan, mon serviteur. Je ne mets qu’une condition à ce que je fais : c’est que vous ne me parlerez jamais, que vous ne me direz pas un mot, ni pour me remercier, ni pour quoi que ce soit.

L’inconnu s’inclina sans prononcer une parole.

Bientôt on s’arrêta de nouveau et des fonctionnaires en uniforme visitèrent le train. La comtesse leur tendit les papiers et, montrant l’homme assis au fond de son wagon :

— C’est mon domestique Ivan, dont voici le passe-port.

Le train se remit en route.

Pendant toute la nuit, ils restèrent en tête-à-tête, muets tous deux.

Le matin venu, comme on s’arrêtait dans une gare allemande, l’inconnu descendit ; puis, debout à la portière :

— Pardonnez-moi, madame, de rompre ma promesse ; mais je vous ai privée de votre domestique, il est juste que je le remplace. N’avez-vous besoin de rien ?