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— J’ai donné dix sous de pourboire.

Ma mère eut un sursaut et me regarda dans les yeux :

— Tu es fou ! Donner dix sous à cet homme, à ce gueux !…

Elle s’arrêta sous un regard de mon père, qui désignait son gendre.

Puis on se tut.

Devant nous, à l’horizon, une ombre violette semblait sortir de la mer. C’était Jersey.

Lorsqu’on approcha des jetées, un désir violent me vint au cœur de voir encore une fois mon oncle Jules, de m’approcher, de lui dire quelque chose de consolant, de tendre.

Mais, comme personne ne mangeait plus d’huîtres, il avait disparu, descendu sans doute au fond de la cale infecte où logeait ce misérable.

Et nous sommes revenus par le bateau de Saint-Malo, pour ne pas le rencontrer. Ma mère était dévorée d’inquiétude.

Je n’ai jamais revu le frère de mon père !

Voilà pourquoi tu me verras quelquefois donner cent sous aux vagabonds.


Mon oncle Jules a paru dans le Gaulois du mardi 7 août 1883.