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relles, devant les catastrophes monstrueuses, devant les irréparables désastres. Ma tête d’enfant s’égarait, s’affolait. Et je me mis à crier de toute ma force, sans savoir pourquoi, en proie à une épouvante, à une douleur, à un effarement épouvantable. Mon père m’entendit, se retourna, m’aperçut, et, se relevant, s’en vint vers moi. Je crus qu’il m’allait tuer et je m’enfuis comme un animal chassé, courant tout droit devant moi, dans le bois.

J’allai peut-être une heure, peut-être deux, je ne sais pas. La nuit étant venue, je tombai sur l’herbe, et je restai là éperdu, dévoré par la peur, rongé par un chagrin capable de briser à jamais un pauvre cœur d’enfant. J’avais froid, j’avais faim peut-être. Le jour vint. Je n’osais plus me lever, ni marcher, ni revenir, ni me sauver encore, craignant de rencontrer mon père que je ne voulais plus revoir.

Je serais peut-être mort de misère et de famine au pied de mon arbre, si le garde ne m’avait découvert et ramené de force.

Je trouvai mes parents avec leur visage ordinaire. Ma mère me dit seulement : « Comme tu m’as fait peur, vilain garçon, j’ai passé la nuit sans dormir. » Je ne répondis point, mais je me mis à pleurer. Mon père ne prononça pas une parole.