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— J’sais ti ? P’t-être trois francs, p’t-être quatre ?

Chicot s’écria :

— J’t’en donne cent sous, et v’là ta course faite, c’est pas peu.

La femme, après une courte réflexion, prononça :

— C’est dit.

Et les ravageurs abordèrent.

Labouise saisit la bride de l’animal. Maillochon, surpris, demanda :

— Qué que tu veux faire de c’te peau ?

Chicot, cette fois, ouvrit son autre œil pour exprimer sa gaieté. Toute sa figure rouge grimaçait de joie ; il gloussa :

— Aie pas peur, ma sœur, j’ai mon truc.

Il donna cent sous à la femme, qui s’assit sur le fossé pour voir ce qui allait arriver.

Alors Labouise, en belle humeur, alla chercher le fusil, et le tendant à Maillochon :

— Chacun son coup, ma vieille ; nous allons chasser le gros gibier, ma sœur, pas si près que ça, nom d’un nom, tu vas l’tuer du premier. Faut faire durer l’plaisir un peu. »

Et il plaça son compagnon à quarante pas de la victime. L’âne, se sentant libre, essayait de brouter l’herbe haute de la berge, mais il était tellement exténué qu’il vacillait sur ses jambes comme s’il allait tomber.