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rien. Le pauvre homme est bien à plaindre. Notre voisin d’à côté, M. Barbou, est dans le même cas. Sa femme s’est éprise d’une sorte de peintre qui passait les étés ici et elle est partie avec lui à l’étranger. Je ne comprends pas qu’une femme tombe jusque-là. À mon avis, il devrait y avoir un châtiment spécial pour de pareilles misérables qui apportent la honte dans une famille. »

Au bout de l’allée, la nourrice apparut, portant Désirée dans ses dentelles. L’enfant venait vers les deux dames, toute rose dans la nuée d’or rouge du soir. Elle regardait le ciel de feu de ce même œil pâle, étonné et vague qu’elle promenait sur les visages.

Tous les hommes, qui causaient plus loin, se rapprochèrent ; et Cachelin, saisissant sa petite-fille, l’éleva au bout de ses bras comme s’il eût voulu la porter dans le firmament. Elle se profilait sur le fond brillant de l’horizon avec sa longue robe blanche qui tombait jusqu’à terre. Et le grand-père s’écria : « Voilà ce qu’il y a de meilleur au monde, n’est-ce pas, père Savon ? »

Et le vieux ne répondit pas, n’ayant rien à dire, ou, peut-être, pensant trop de choses.

Un domestique ouvrit la porte du perron, en annonçant : « Madame est servie ! »