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En se mettant à table, Cora, chaque jour, répétait : « Nous avons peu de chose pour le dîner. Il en serait autrement si nous étions riches. Ce n’est pas ma faute. »

Quand Lesable partait pour son bureau, elle lui criait du fond de sa chambre : « Prends ton parapluie pour ne pas me revenir sale comme une roue d’omnibus. Après tout, ce n’est pas ma faute si tu es encore obligé de faire ce métier de gratte-papier. »

Quand elle allait sortir elle-même, elle ne manquait jamais de s’écrier : « Dire que si j’avais épousé un autre homme j’aurais une voiture à moi. »

À toute heure, à toute occasion, elle pensait à cela, piquait son mari d’un reproche, le cinglait d’une injure, le faisait seul coupable, le rendait seul responsable de la perte de cet argent qu’elle aurait possédé.

Un soir enfin, perdant encore patience, il s’écria : « Mais, nom d’un chien ! te tairas-tu à la fin ? D’abord, c’est ta faute, à toi seule, entends-tu, si nous n’avons pas d’enfant, parce que j’en ai un, moi… »

Il mentait, préférant tout à cet éternel reproche et à cette honte de paraître impuissant.

Elle le regarda, étonnée d’abord, cherchant la vérité dans ses yeux, puis ayant compris,