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chef vous demande. » Il eut d’abord un geste d’impatience, une révolte contre ce despotisme qui allait lui retomber sur le dos, puis un désir brusque et violent de parvenir l’aiguillonna. Il serait chef à son tour, et vite ; il irait plus haut encore.

Sans ôter sa redingote de ville, il se rendit chez M. Torchebeuf. Il se présenta avec une de ces figures navrées qu’on prend dans les occasions tristes, et même quelque chose de plus, une marque de chagrin réel et profond, cet involontaire abattement qu’impriment aux traits les contrariétés violentes.

La grosse tête du chef, toujours penchée sur le papier, se redressa, et il demanda d’un ton brusque : « J’ai eu besoin de vous toute la matinée. Pourquoi n’êtes-vous pas venu ? » Lesable répondit : « Cher maître, nous avons eu le malheur de perdre ma tante, Mlle Cachelin, et je venais même vous demander d’assister à l’inhumation, qui aura lieu demain. »

Le visage de M. Torchebeuf s’était immédiatement rasséréné. Et il répondit avec une nuance de considération : « En ce cas, mon cher ami, c’est autre chose. Je vous remercie, et je vous laisse libre, car vous devez avoir beaucoup à faire. »

Mais Lesable tenait à se montrer zélé :