Page:Œuvres complètes de François Villon.djvu/68

Cette page a été validée par deux contributeurs.

« Jà ne me sceut tant detrayner,
Fouller au piedz, que ne l’aymasse,
Et m’eust-il faict les rains trayner,
S’il m’eust dit que je le baisasse
Et que tous mes maux oubliasse ;
Le glouton, de mal entaché,
M’embrassoit… J’en suis bien plus grasse !
Que m’en reste-il ? Honte et peché.

« Or il est mort, passé trente ans,
Et je remains vieille et chenue.
Quand je pense, lasse ! au bon temps,
Quelle fus, quelle devenue ;
Quand me regarde toute nue,
Et je me voy si très-changée,
Pauvre, seiche, maigre, menue,
Je suis presque toute enragée.

« Qu’est devenu ce front poly,
Ces cheveulx blonds, sourcilz voultyz,
Grand entr’œil, le regard joly,
Dont prenoye les plus subtilz ;
Ce beau nez droit, grand ne petiz ;
Ces petites joinctes oreilles,
Menton fourchu, cler vis traictis,
Et ces belles lèvres vermeilles ?

« Ces gentes espaules menues,
Ces bras longs et ces mains tretisses ;
Petitz tetins, hanches charnues,
Eslevées, propres, faictisses
A tenir amoureuses lysses ;
Ces larges reins, ce sadinet,