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Ce confort prent pauvre vieillart,
Lequel d’estre plaisant raillart
Eut le bruyt, lorsque jeune estoit,
Qu’on tiendrait à fol et paillart,
Se, vieil, à railler se mettoit.

XLIV.

Or luy convient-il mendier,
Car à ce force le contraint.
Regrette huy sa mort, et hier ;
Tristesse son cueur si estrainct,
Souvent, se n’estoit Dieu qu’il crainct,
Il feroit un horrible faict.
Si advient qu’en ce Dieu enfrainct,
Et que luy-mesmes se deffaict.

XLV.

Car, s’en jeunesse il fut plaisant,
Ores plus rien ne dit qui plaise.
Tousjours vieil synge est desplaisant :
Moue ne faict qui ne desplaise.
S’il se taist, affin qu’il complaise,
Il est tenu pour fol recreu ;
S’il parle, on luy dit qu’il se taise.
Et qu’en son prunier n’a pas creu.

XLVI.

Aussi, ces pauvres femmelettes,
Qui vieilles sont et n’ont de quoy,
Quand voyent jeunes pucellettes
En admenez et en requoy,
Lors demandent à Dieu pourquoy
Si tost nasquirent, n’à quel droit ?
Notre Seigneur s’en taist tout coy,
Car, au tanser, il le perdroit.