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POÉSIES

La manière d’avoir du rost.

Il fut appointé qu’il yroit
Devant l’estal d’ung rotisseur,
Et de la chair marchanderoit,
Contrefaisant du gaudisseur,
Et, pour trouver moyen meilleur,
Faignant que point on ne se joue,
Il viendroit un entrepreneur,
Qui luy bailleroit sur la joue.

Il vint à la rostisserie,
En marchandant de la viande ;
L’autre vint, de chère marrie :
« Qu’est-ce que ce paillart demande ? »
Luy baillant une buffe grande,
En luy disant mainte reproche.
Quand il vit qu’il eut ceste offrande,
Empoigna du rost pleine broche.

Celuy qui bailla le soufflet
Fuist bien tost et à motz exprès.
Maistre Françoys, sans plus de plet,
Atout son rost, courut après.
Ainsi, sans faire long procès,
Ils repeurent, de cueur devot,
Et eurent, par leur grant excès,
Pain, vin, chair, et poisson, et rost.