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XVII
PRÉFACE

rester dans la vérité qu’à la condition de s’en tenir aux mêmes contours. »

Plus loin, M. A. de Montaiglon, passant légèrement sur le Petit Testament, « qui n’est que spirituel, » et sur quelques pièces qu’il regrette de trouver dans le Grand Testament, ajoute :

« Ce n’est pas là qu’il faut chercher Villon, mais dans la partie populaire et humaine de son œuvre. On ne dira jamais assez à quel point le mérite de la pensée et de la forme y est inestimable. Le sentiment en est étrange, et aussi touchant que pittoresque dans sa sincérité ; Villon peint presque sans le savoir, et en peignant il ne pallie, il n’excuse rien ; il a même des regrets, et ses torts, qu’il reconnaît en se blâmant, mais dont il ne peut se défendre, il ne les montre que pour en détourner. Je connais même peu de leçons plus fortes que la ballade : Tout aux tavernes et aux filles. La bouffonnerie, dans ses vers, se mêle à la gravité, l’émotion à la raillerie, la tristesse à la débauche ; le trait piquant se termine avec mélancolie ; le sentiment du néant des choses et des êtres est mêlé d’un burlesque soudain qui en augmente l’effet. Et tout cela est si naturel, si net, si franc, si spirituel ; le style suit la pensée avec une justesse si vive, que vous n’avez pas le temps d’admirer comment le corps qu’il revêt est habillé par le vêtement. C’est bien mieux que l’esprit bourgeois, toujours un peu mesquin, c’est l’esprit populaire que cet enfant des Halles, qui écrivait : Il n’est bon bec que de Paris, a recueilli dans les rues et qu’il épure en l’aiguisant. Il en a le sentiment, il en prend les mots, mais il les encadre, il les incruste dans une phrase si vive, si nette, si bien construite, si énergique ou si légère, que cette langue colorée reçoit de son génie l’élégance et même le goût, sans rien perdre de sa force. Il a tout : la vigueur et le charme, la clarté et l’éclat, la variété et l’unité, la gravité et l’esprit,