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POÉSIES

D’ung fort espieu et d’une saqueboute ;
De maulx briguans puissent trouver tel route
Que tous leurs corps fussent mis par morceaulx,
Le cueur fendu, desciré par monceaulx,
Le col couppé d’ung bon branc acherin,
Descirez soient de truye et de pourceaulx
Les taverniers qui brouillent nostre vin.

D’ung arc turcquois, d’une espée affilée
Ayent les paillars la brouaille cousue,
De feu gregoys la perrucque bruslée,
Et par tempeste la cervelle espandue,
Au grand gibet leur charongne pendue,
Et briefvement puissent mourir de goutte,
Ou je requiers et pry que l’on leur boute
Parmy leur corps force d’ardans barreaulx ;
Vifs escorchez des mains de dix bourreaulx,
Et puis bouillir en huille le matin,
Desmembrez soient à quatre grans chevaux,
Les taverniers qui brouillent nostre vin.

D’un gros canon la tête escarbouillée
Et de tonnerre acablez en la rue
Soient tous leurs corps, et leur chair dessirée,
De gros mastins bien garnye et pourvue,
De forz esclers puissent perdre la veue,
Neige et gresil tousjours sur eux degoutte,
Avecques ce ilz aient la pluye toute
Sans que sur eux ayent robbes ne manteaulx,
Leurs corps trenchez de dagues et couteaulx,
Et puis traisnez jusques en l’eau du Rin ;
Desrompuz soient à quatre-vingts marteaulx
Les taverniers qui brouillent nostre vin.