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POÉSIES

Cette vilaine alla jetter les yeulx
Sur un vieillard riche, mais chassieux,
Laid et hideux trop plus qu’on ne propose.
Ce neantmoins, il en jouit sa pose,
Dont moy, confus, voyant un tel ouvrage,
Dessus ce texte allay bouter en glose :
Riche amoureux a tousjours l’advantage.

Or elle a tort, car noyse ny rancune
N’eut onc de moy. Tant lui fus gracieux,
Que, s’elle eust dit : « Donne-moy de la lune »,
J’eusse entrepris de monter jusqu’aux cieulx ;
Et, nonobstant, son corps tant vicieux
Au service de ce vieillard expose.
Dont, ce voyant, un rondeau je compose,
Que luy transmets ; mais, en pou de langage,
Me respond franc : « Povreté te depose :
Riche amoureux a tousjours l’advantage ! »

ENVOI.

Prince tout bel, trop mieux parlant qu’Orose,
Si vous n’avez toujours bourse desclose,
Vous abusez : car Meung, docteur très sage,
Nous a descrit que, pour cueillir la rose,
Riche amoureux a tousjours l’advantage.


XX. BALLADE.

Qui en amours veut estre heureux,
Faut tenir train de seigneurie,
Estre prompt et advantureux
Quand vient à monstrer l’armarie :
Porter drap d’or, orfaverie,
Car cela les dames esmeut.