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POÉSIES

Dont j’ay dejà tant de mal enduré
Qu’il me fauldra, par deffaulte de joye,
Aller criant, comme tout forcené :
Je hez ma dame que tant aymer souloye.

Car se pitié son très doulx cueur n’entame
A me donner ce que j’ay desiré,
J’iray mourir, ainsi qu’ung homme infame,
Tout hors de sens et si desespéré
Qu’après ma mort il en sera parlé
Plus loin dix fois que d’icy en Savoye,
Et lors diray pour plus estre blasmé :
Je hez ma dame que tant aymer souloye.

Se je le dy, je jure sur mon ame
Que ce sera contre ma voulenté.
Je prye à Dieu qu’il n’y puist avoir ame
A celle fin qu’il ne soit raporté.
Car jasoit ce qu’elle m’ait courroucé
Tant qu’on peut plus, cent mille fois mourroye
Avant que j’eusse ne dit ne proferé :
Je hez ma dame que tant aymer souloye.


X. RONDEL.

Quelque chose qu’Amours ordonne,
Force m’est que vous habandonne
Pour pourchasser ailleurs mon bien ;
Car, sur ma foy, je congnois bien
Que vous m’estes pire que bonne.

Trop a de cueur qui vous en donne ;
Pour ce jà Dieu ne me pardonne