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Mais, Monsieur, il s’agit ici de modération dans la forme, car, quant au fond, en conscience, nous ne pouvons pas être modérés. Nous sommes convaincus que deux et deux font quatre, et nous le soutiendrons opiniâtrement, sauf à le faire avec toute la courtoisie que vous pouvez désirer.

Il y en a qui professent que deux et deux font tantôt trois, tantôt cinq, et là-dessus ils se vantent de n’avoir pas de principes absolus ; ils se donnent pour des hommes sérieux, modérés, prudents, pratiques ; ils nous accusent d’intolérance.

« Il y a de par le monde, dites-vous, des hommes qui s’arrogent le monopole de la science économique. » Qu’est-ce à dire ? Nous avons foi en la liberté comme vous en la protection. N’avons-nous pas le même droit que vous de faire des prosélytes ? Si nous employions la violence, votre reproche serait fondé. Singuliers monopoleurs, qui se bornent à réclamer la liberté pour les autres comme pour eux-mêmes ! Vous mettons-nous le pistolet sur la gorge pour vous forcer à échanger, quand cela ne vous convient pas ? Mais c’est bien par la force que les protectionistes nous empêchent d’échanger lorsque cela nous convient. Pourquoi ne font-ils pas comme nous ? pourquoi, si l’échange est aussi funeste qu’ils le disent, n’en détournent-ils pas leurs concitoyens par la persuasion ? Nous demandons la liberté, ils imposent la restriction ; et ils nous appellent monopoleurs !

Vous nous reprochez d’être des théoriciens, puis vous dites : « Les restrictions de la douane, qui sont un obstacle au développement des nations peu avancées ou de celles qui sont à la tête de la civilisation, ont été reconnues un puissant moyen d’émulation pour celles qui ont encore quelques degrés à franchir. »

En économie sociale, je ne connais rien de plus systématique, si ce n’est les quatre âges de la vie des nations imaginés par M. de Girardin ; vous vous rappelez cette bouffonnerie.