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mieux grelotter en Chalosse que de me réchauffer en Toscane. J’éprouve ici toute espèce de déceptions. Par exemple, il me serait facile d’avoir des relations avec tous les hommes distingués de ce pays-ci. La raison en est que, l’économie politique entrant dans l’étude du droit, cette science est cultivée par presque tous les hommes instruits. En voulez-vous une preuve singulière ? à Turin, quoiqu’on y parle principalement italien, il s’est vendu plus de mes Harmonies (édition française[1]) qu’à Marseille, Bordeaux, Lyon, Rouen, Lille réunis, et il en est de même de tous les ouvrages économiques. Vous voyez, mon cher, dans quelle illusion nous vivons en France, quand nous croyons être à la tête de la civilisation intellectuelle. — Ainsi, je me trouvais avoir accès auprès de toutes les notabilités et personnages, j’étais parfaitement placé pour étudier ce pays à fond. — Eh bien, ma préoccupation constante est de ne voir personne, d’éviter les connaissances. Bien plus, des amis intimes vont m’arriver de Paris ; ils visiteront Florence et Rome en vrais connaisseurs, car ils apprécient les arts et y sont fort initiés. Quelle bonne fortune en toute autre circonstance ou avec une tout autre maladie ! Mais le mutisme est un abîme qui isole, et je serai forcé de les fuir. Oh ! je vous assure que j’apprends bien la patience.

Parlons des dames X… J’ai toujours remarqué que la dévotion habituelle ne changeait rien à la manière d’agir des hommes, et je doute beaucoup qu’il y ait plus de probité, plus de douceur, plus de respects et d’égards les uns pour les autres, parmi nos très-dévotes populations du Midi, que parmi les populations indifférentes du Nord. De jeunes et aimables personnes assisteront tous les jours au sacrifice sanglant de leur Rédempteur, et lui promettront beaucoup

  1. Deux mois plus tard, je rencontrai, à Livourne, la contrefaçon belge qui s’y vendait fort bien.(Note de l’éditeur.)