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On voit que l’humanité a été bien mal inspirée jusqu’ici, et qu’elle s’est trompée dans toutes les directions. Ce n’a pourtant pas été faute d’avertissements, car le principe de la fraternité a toujours fait ses protestations et ses réserves par la voix de Jean Huss, de Morelli, de Mably, de Rousseau et par les efforts de Robespierre.

Mais qu’est-ce que la fraternité ? « Le principe de la fraternité est celui qui, regardant comme solidaires les membres de la grande famille, tend à organiser un jour les sociétés, œuvre de l’homme, sur le modèle du corps humain, œuvre de Dieu, et fonde la puissance de gouverner sur la persuasion, sur le volontaire assentiment du cœur[1]. »

Tel est le système de M. Blanc. Ce qui le rend dangereux, à mes yeux, outre le talent avec lequel il est exposé, c’est que le vrai et le faux s’y mêlent en proportions qu’il est difficile d’apprécier. Je n’ai pas l’intention de l’examiner dans toutes ses branches symétriques. Pour me conformer aux exigences de ce recueil, je le considérerai principalement au point de vue de l’économie politique.

J’avoue que lorsqu’il s’agit d’énoncer le principe qui, à une époque donnée, anime le corps social, je voudrais qu’il fût exprimé par des mots moins vagues que ceux d’individualisme et fraternité.

L’individualisme est un mot nouveau simplement substitué au mot égoïsme. C’est l’exagération du sentiment de la personnalité.

  1. Bastiat n’ayant pas achevé de copier de sa main, sur son manuscrit, le passage du livre dont il s’occupe, j’ai dû combler cette lacune et donner la phrase entière. À propos des derniers mots, je me permets de dire qu’ils impliquent contradiction avec la pensée de réaliser un système social quelconque par l’intervention de l’État, c’est-à-dire par la force. Ceux qui proposent des systèmes sociaux de leur invention ne bornent, pas plus que Robespierre, leur prétention à persuader, à obtenir le volontaire assentiment des cœurs, et ne sont pas mieux fondés que lui à se placer sous le drapeau de la liberté. (Note de l’éditeur.)