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des nations, et, le pensât-il, il ne le dirait pas en plein Parlement.

Je voulus en avoir le cœur net. J’écrivis le jour même à Paris pour qu’on m’abonnât à un journal anglais, en priant qu’on fît remonter l’abonnement à un mois.

Quelques jours après, je reçus une trentaine de numéros du Globe[1]. Je cherchai avec empressement la malencontreuse phrase de M. Peel, et je vis qu’elle disait : « Nous ne pourrions adopter cette mesure sans descendre au dernier rang des nations. » — Les mots comme la France n’y étaient pas.

Ceci me mit sur la voie, et je pus constater depuis lors bien d’autres pieuses fraudes dans la manière de traduire de nos journalistes.

Mais ce n’est pas là tout ce que m’apprit le Globe. Je pus y suivre, pendant deux ans, la marche et les progrès de la Ligue.

À cette époque, j’aimais ardemment, comme aujourd’hui, la cause de la liberté commerciale ; mais je la croyais perdue pour des siècles ; car on n’en parle pas plus chez nous qu’on n’en parlait probablement, en Chine, dans le siècle dernier. Quelles furent ma surprise et ma joie, quand j’appris que cette grande question agitait, d’un bout à l’autre, l’Angleterre et l’Écosse ; quand je vis cette succession non interrompue d’immenses meetings, et l’énergie, la persévérance, les lumières des chefs de cette admirable association !…

Mais ce qui me surprenait bien davantage, c’était de voir que la Ligue s’étendait, grandissait, versait sur l’Angleterre des flots de lumière, absorbait toutes les préoccupations des ministres et du Parlement, sans que nos journaux nous en dissent jamais un mot !…

  1. Globe and Traveller.