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crainte de paraître faiblir devant l’étranger, toujours est-il qu’elle a niaisement uni sa voix à celle des journaux stipendiés par le Privilége, et aujourd’hui il peut se croiser les bras, en nous voyant, nous, hommes du Midi, nous hommes spoliés et exploités, faire son œuvre, comme il eût pu la faire lui-même et consacrer toutes les ressources de notre intelligence, toute l’énergie de nos sentiments à consolider les entraves, à perpétuer les extorsions qu’il nous inflige.

Cette faiblesse a porté ses fruits. Pour repousser les accusations dont on l’accable, le Gouvernement n’avait qu’une chose à faire, et il l’a faite : il nous a sacrifiés.

Les paroles de M. Guizot, que j’ai citées en commençant, n’équivalent-elles pas en effet à ceci :

« Vous dites que je soumets ma politique à la politique anglaise, mais voyez mes actes.

« Il était juste de rendre aux Français le droit d’échanger, confisqué par quelques privilégiés. Je voulais rentrer dans cette voie par des traités de commerce ; mais on a crié : à la trahison ! et j’ai rompu les négociations.

« Je pensais que s’il faut que les Français achètent au dehors des fils et tissus de lin, mieux vaut en obtenir plus que moins, pour un prix donné ; mais on a crié : à la trahison ! et j’ai créé les droits différentiels.

« Il était de l’intérêt de notre jeune colonie africaine d’être pourvue de toutes choses à bas prix, pour croître et prospérer. Mais on a crié : à la trahison ! et j’ai livré l’Algérie au Monopole.

« L’Espagne aspirait à secouer le joug d’une province. C’était son intérêt ; c’était le nôtre ; mais c’était aussi celui des Anglais ; on a crié : à la trahison ! et pour étouffer ce cri importun, j’ai maintenu ce que l’Angleterre voulait renverser : l’exploitation de l’Espagne par la Catalogne. »

Voilà donc où nous en sommes. La machine de guerre de tous les partis, c’est la haine de l’étranger. À gauche et à droite