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tenir les cordons de la bourse, nous ne les tenons pas réellement ; nous les avons un moment entre nos doigts pour les dénouer bien bénignement, et, cela fait, nous les remettons aux mains de ceux qui y puisent. Ce qu’il y a de plaisant, c’est que nous nous étonnons ensuite de la sentir s’alléger de jour en jour. Ne ressemblons-nous pas à cette cuisinière qui, en sortant, disait au chat : Gardez bien les ortolans, et, si le chien vient, montrez-lui les griffes.

Ce que je dis de l’argent on peut le dire de la liberté ! à vrai dire, et quoique cela paraisse un peu prosaïque, argent, liberté, cela ne fait qu’un. — Développement de cette pensée……

Je me suppose roi ; je suppose qu’amené par les événements à octroyer une constitution à mon peuple, je désire cependant retenir autant d’influence et de pouvoir que possible, comment m’y prendrais-je ?

Je commencerais par dire : « On n’accordera aux députés aucune indemnité. » Et pour faire passer cet article, je ne manquerais pas de faire du sentimentalisme, de vanter la beauté morale de l’abnégation, du dévouement, du sacrifice. — Mais en réalité, je comprendrais parfaitement que les électeurs ne pourraient envoyer à la chambre que deux classes d’hommes : ceux qui possèdent une grande existence, comme dit M. Guizot, et ceux-là sont toujours disposés à se rallier à cour ; — et puis une foule de prétendants à la fortune, incapables de résister aux entraînements de la vie parisienne, aux éblouissements de la richesse, placés entre leur ruine infaillible et celle de leur famille et un essor assuré vers les hautes régions de la fortune et de la prépondérance. Je saurais bien que quelques natures privilégiées sortiraient triomphantes de l’épreuve, mais enfin, une telle disposition me permettrait d’espérer au moins une grande influence sur la formation des majorités.

Mais comment séduire ces députés ? Faudra-t-il leur offrir