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sans s’inquiéter de l’exportation ou du payement, dont nos fournisseurs s’occuperont pour eux-mêmes. Il est clair que dans ce système l’usurpation, la domination, les colonies, et par suite la force brutale et la ruse diplomatique sont frappées d’inutilité. Il ne faut pas un si grand appareil pour importer. Mais si chaque peuple s’abstient de menacer les autres, non par générosité, mais pour obéir à son intérêt, quel immense changement est introduit dans le monde ! Je ne crains pas de dire que l’adhésion des peuples à notre doctrine sera la plus grande, la plus bienfaisante révolution dont le monde ait été témoin depuis dix-huit siècles.

C’est dans le mois où nous sommes et presque à pareil jour que Christophe Colomb découvrit le nouveau monde[1], et c’est de cette découverte que datent le régime prohibitif ainsi que les guerres et les dissensions qui en ont été la suite ; car ce faux principe était comme enveloppé dans l’or de l’Amérique. Messieurs, signalons aux peuples, dans l’ordre moral, un monde nouveau, un monde de paix, d’harmonie, de bien-être et de fraternité.

Sachons toutefois que cette immense révolution ne sera pas le fruit du libre-échange seulement, mais aussi et surtout de l’esprit du libre-échange. — Le libre-échange pourrait être obtenu par surprise, par un engouement momentané de l’opinion publique, en dehors de convictions générales et bien arrêtées. Il pourrait aussi s’introduire dans la législation sous la pression de circonstances extraordinaires. Mais alors l’esprit du monopole survivrait au monopole. Le principe exclusif dominerait encore les intelligences et menacerait le monde d’autant de maux que s’il régnait encore dans nos lois. Je n’en veux pour preuve que ce qui se passe en Angleterre.

Vous le savez, la Ligue s’efforçait d’étendre dans les trois

  1. Le 5 septembre 1492. (Note de l’édit.)