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monnaie, celui-ci dans le blé, celui-là dans le travail, c’est-à-dire dans la mobilité même.

Beaucoup d’erreurs économiques proviennent de ce que l’on considère les besoins humains comme une quantité donnée ; et c’est pourquoi j’ai cru devoir m’étendre sur ce sujet : Je ne crains pas d’anticiper en disant brièvement comment on raisonne. On prend toutes les satisfactions générales du temps où l’on est, et l’on suppose que l’humanité n’en admet pas d’autres. Dès lors, si la libéralité de la nature, ou la puissance des machines, ou des habitudes de tempérance et de modération viennent rendre disponible, pour un temps, une portion du travail humain, on s’inquiète de ce progrès, on le considère comme un désastre, on se retranche derrière des formules absurdes, mais spécieuses, telles que celles-ci : La production surabonde, nous périssons de pléthore ; la puissance de produire a dépassé la puissance de consommer, etc.

Il n’est pas possible de trouver une bonne solution à la question des machines, à celle de la concurrence extérieure, à celle du luxe, quand on considère le besoin comme une quantité invariable, quand on ne se rend pas compte de son expansibilité indéfinie.

Mais, si dans l’homme, le besoin est indéfini, progressif, doué de croissance comme le désir, source intarissable où il s’alimente sans cesse, il faut, sous peine de discordance et de contradiction dans les lois économiques de la société, que la nature ait placé dans l’homme et autour de lui des moyens indéfinis et progressifs de satisfaction, l’équilibre entre les moyens et la fin étant la première condition de toute harmonie. C’est ce que nous allons examiner.

J’ai dit, en commençant cet écrit, que l’économie politique avait pour l’objet l’homme considéré au point de vue de ses besoins et des moyens par lesquels il lui est donné d’y pourvoir.