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terprété sa volonté présumée en bannissant le mal de dessus la terre. Et l’on ne manque pas de traiter d’impie la science qui n’affiche pas une telle prétention, l’accusant de méconnaître ou de nier la prévoyance ou la puissance de l’auteur des choses.

En même temps, ces écoles font une peinture effroyable des sociétés actuelles, et elles ne s’aperçoivent pas que, s’il y a impiété à prévoir la souffrance dans l’avenir, il n’y en a pas moins à la constater dans le passé ou dans le présent. Car l’infini n’admet pas de limites ; et si, depuis la création, un seul homme a souffert dans le monde, cela suffit pour qu’on puisse admettre, sans impiété, que la douleur est entrée dans le plan providentiel.

Il est certainement plus scientifique et plus viril de reconnaitre l’existence des grands faits naturels qui non-seulement existent, mais sans lesquels l’humanité ne se peut concevoir.

Ainsi l’homme est sujet à la souffrance, et, par conséquent, la société aussi.

La souffrance a une fonction dans l’individu, et, par conséquent, dans la société aussi.

L’étude des lois sociales nous révélera que la mission de la souffrance est de détruire progressivement ses propres causes, de se circonscrire elle-même dans des limites de plus en plus étroites, et, finalement, d’assurer, en nous la faisant acheter et mériter, la prépondérance du bien et du beau.

La nomenclature qui précède met en première ligne les besoins matériels.

Nous vivons dans un temps qui me force de prémunir encore ici le lecteur contre une sorte d’afféterie sentimentaliste fort à la mode.

Il y a des gens qui font très-bon marché de ce qu’ils appellent dédaigneusement besoins matériels, satisfactions ma-