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naissance de l’électricité, les peuples, effrayés par le bruit du tonnerre, ne pouvaient guère reconnaître, dans cette voix imposante retentissant au milieu des orages, qu’un symptôme du courroux céleste. C’est une association d’idées qui, non plus que bien d’autres, n’a pu résister aux progrès de la physique.

L’homme est ainsi fait. Quand un phénomène l’affecte, il en cherche la cause, et s’il la trouve, il la nomme. Puis il se met à chercher la cause de cette cause, et ainsi de suite jusqu’à ce que, ne pouvant plus remonter, il s’arrête et dise : C’est Dieu, c’est la volonté de Dieu. Voilà notre ultima ratio. Cependant le temps d’arrêt de l’homme n’est jamais que momentané. La science progresse, et bientôt cette seconde, ou troisième, ou quatrième cause, qui était restée inaperçue, se révèle à ses yeux. Alors la science dit : Cet effet n’est pas dû, comme on le croyait, à la volonté immédiate de Dieu, mais à cette cause naturelle que je viens de découvrir. — Et l’humanité, après avoir pris possession de cette découverte, se contentant, pour ainsi parler, de déplacer d’un cran la limite de sa foi, se demande : Quelle est la cause de cette cause ? — Et ne la voyant pas, elle persiste dans son universelle explication : C’est la volonté de Dieu. — Et ainsi pendant des siècles indéfinis, dans une succession innombrable de révélations scientifiques et d’actes de foi.

Cette marche de l’humanité doit paraître aux esprits superficiels destructive de toute idée religieuse ; car n’en résulte-t-il pas qu’à mesure que la science avance, Dieu recule ? Et ne voit-on pas clairement que le domaine des intentions finales se rétrécit à mesure que s’agrandit celui des causes naturelles ?

Malheureux sont ceux qui donnent à ce beau problème une solution si étroite. Non, il n’est pas vrai qu’à mesure que la science avance, l’idée de Dieu recule ; bien au con-