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tables et fatales la poussent vers une détérioration irrémédiable ; quand elle viendrait à s’assurer de la loi de Malthus, de celle de Ricardo, dans leur sens le plus funeste ; quand elle ne pourrait nier ni la tyrannie du capital, ni l’incompatibilité des machines et du travail, ni aucune de ces alternatives contradictoires dans lesquelles Chateaubriand et Tocqueville placent l’espèce humaine, — encore la science, en soupirant, devrait le dire, et le dire bien haut.

Est-ce qu’il sert de rien de se voiler la face pour ne pas voir l’abîme, quand l’abîme est béant ? Exige-t-on du naturaliste, du physiologiste, qu’ils raisonnent sur l’homme individuel comme si ses organes étaient à l’abri de la douleur ou de la destruction ? « Pulvis es, et in pulverem reverteris. » Voilà ce que crie la science anatomique appuyée de l’expérience universelle. Certes, c’est là une vérité dure pour nos oreilles, aussi dure pour le moins que les douteuses propositions de Malthus et de Ricardo. Faudra-t-il donc, pour ménager cette sensibilité délicate qui s’est développée tout à coup parmi les publicistes modernes et a créé le socialisme, faudra-t-il aussi que les sciences médicales affirment audacieusement notre jeunesse sans cesse renaissante et notre immortalité ? Que si elles refusent de s’abaisser à ces jongleries, faudra-t-il, comme on le fait pour les sciences sociales, s’écrier, l’écume à la bouche : « Les sciences médicales admettent la douleur et la mort ; donc elles sont misanthropiques et sans entrailles, elles accusent Dieu de mauvaise volonté ou d’impuissance. Elles sont impies, elles sont athées. Bien plus, elles font tout le mal qu’elles s’obstinent à ne pas nier ? »

Je n’ai jamais douté que les écoles socialistes n’eussent entraîné beaucoup de cœurs généreux et d’intelligences convaincues. À Dieu ne plaise que je veuille humilier qui que ce soit ! Mais enfin le caractère général du socialisme