XXIII
LE MAL
Dans ces derniers temps, on a fait reculer la science ; on l’a faussée, en lui imposant pour ainsi dire l’obligation de nier le mal, sous peine d’être convaincue de nier Dieu.
Des écrivains qui tenaient sans doute à montrer une sensibilité exquise, une philanthropie sans bornes, et une religion incomparable, se sont mis à dire : « Le mal ne peut entrer dans le plan providentiel. La souffrance n’a été décrétée ni par Dieu ni par la nature, elle vient des institutions humaines. »
Comme cette doctrine abondait dans le sens des passions qu’on voulait caresser, elle est bientôt devenue populaire. Les livres, les journaux ont été remplis de déclamations contre la société. Il n’a plus été permis à la science d’étudier impartialement les faits. Quiconque a osé avertir l’humanité que tel vice, telle habitude entraînaient nécessairement telles conséquences funestes, a été signalé comme un homme sans entrailles, un impie, un athée, un malthusien, un économiste.
Cependant le socialisme a bien pu pousser la folie jusqu’à annoncer la fin de toute souffrance sociale, mais non de toute souffrance individuelle. Il n’a pas encore osé prédire que l’homme arriverait à ne plus souffrir, vieillir et mourir.