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Nous avons indiqué ailleurs le grossier abus que font certaines écoles socialistes du mot Solidarité…

Voyons maintenant dans quel esprit doit être conçue la loi humaine.

Il me semble que cela ne peut faire l’objet d’un doute. La loi humaine doit abonder dans le sens de la loi naturelle : elle doit hâter et assurer la juste rétribution des actes ; en d’autres termes, circonscrire la solidarité, organiser la réaction pour renforcer la responsabilité. La loi ne peut pas poursuivre d’autre but que de restreindre des actions vicieuses et de multiplier les actions vertueuses, et pour cela elle doit favoriser la juste distribution des récompenses et des peines, de manière à ce que les mauvais effets d’un acte se concentrent le plus possible sur celui qui le commet…

En agissant ainsi, la loi se conforme à la nature des choses : la solidarité entraîne une réaction contre l’acte vicieux, la loi ne fait que régulariser cette réaction.

La loi concourt ainsi au progrès ; plus rapidement elle ramène l’effet mauvais sur l’auteur de l’acte, plus sûrement elle restreint l’acte lui-même.

Prenons un exemple. La violence a des conséquences funestes : chez les sauvages la répression est abandonnée au cours naturel des choses ; qu’arrive-t-il ? C’est qu’elle provoque une réaction terrible. Quand un homme a commis un acte de violence contre un autre homme, une soif inextinguible de vengeance s’allume dans la famille du dernier et se transmet de génération en génération. Intervient la loi ; que doit-elle faire ? Se bornera-t-elle à étouffer l’esprit de vengeance, à le réprimer, à le punir ? Il est clair que ce serait encourager la violence en la mettant à l’abri de toutes représailles. Ce n’est donc pas ce que doit faire la loi. Elle doit se substituer, pour ainsi dire, à l’esprit de vengeance en organisant à sa place la réaction contre la violence ; elle doit dire à la famille lésée : Je me charge de la répression