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rue en fonte au lieu d’une charrue en bois, de semer clair au lieu de semer dru, d’acheter en Orient plutôt qu’en Occident. Je soutiens tout le contraire. — J’ai fait tous mes calculs ; en définitive, je suis plus intéressé que vous à ne pas me tromper sur des matières d’où dépendent mon bien-être, mon existence, le bonheur de ma famille, et qui n’intéressent que votre amour-propre ou vos systèmes. Conseillez-moi, mais ne m’imposez rien. Je me déciderai à mes périls et risques, cela suffit, et l’intervention de la loi serait ici tyrannique.

On voit que, dans presque tous les actes importants de la vie, il faut respecter le libre arbitre, s’en remettre au jugement individuel des hommes, à cette lumière intérieure que Dieu leur a donnée pour s’en servir, et après cela laisser la Responsabilité faire son œuvre.

L’intervention de la loi, dans des cas analogues, outre l’inconvénient très-grand de donner des chances à l’erreur autant qu’à la vérité, aurait encore l’inconvénient bien autrement grave de frapper d’inertie l’intelligence même, d’éteindre ce flambeau qui est l’apanage de l’humanité et le gage de ses progrès.

Mais alors même qu’une action, une habitude, une pratique est reconnue mauvaise, vicieuse, immorale par le bon sens public, quand il n’y a pas doute à cet égard, quand ceux qui s’y livrent sont les premiers à se blâmer eux-mêmes, cela ne suffit pas encore pour justifier l’intervention de la loi humaine. Ainsi que je l’ai dit tout à l’heure, il faut savoir de plus si, en ajoutant aux mauvaises conséquences de ce vice les mauvaises conséquences inhérentes à tout appareil légal, on ne produit pas, en définitive, une somme de maux, qui excède le bien que la sanction légale ajoute à la sanction naturelle.

Nous pourrions examiner ici les biens et les maux que peut produire la sanction légale appliquée à réprimer la