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france nous ne pouvons concevoir les besoins, et sans les besoins nous ne pouvons comprendre ni l’utilité, ni la raison d’être d’aucune de nos facultés, — tout ce qui fait notre grandeur a sa racine dans ce qui fait notre faiblesse.

Pressés par d’innombrables impulsions, doués d’une intelligence qui éclaire nos efforts et apprécie leurs résultats, nous avons encore, pour nous déterminer, le libre arbitre.

Le libre arbitre implique l’erreur comme possible, et à son tour l’erreur implique la souffrance comme son effet inévitable. Je défie qu’on me dise ce que c’est que choisir librement, si ce n’est courir la chance de faire un mauvais choix ; et ce que c’est que faire un mauvais choix, si ce n’est se préparer une peine.

Et c’est pourquoi sans doute les écoles, qui ne se contentent de rien moins pour l’humanité que du bien absolu, sont toutes matérialistes et fatalistes. Elles ne peuvent admettre le libre arbitre. Elles comprennent que de la liberté d’agir naît la liberté de choisir ; — que la liberté de choisir suppose la possibilité d’errer ; — que la possibilité d’errer c’est la contingence du mal. — Or, dans la société artificielle telle que l’invente un organisateur, le mal ne peut paraître. Pour cela, il faut que les hommes y soient soustraits à la possibilité d’errer ; et le plus sûr moyen, c’est qu’ils soient privés de la liberté d’agir et de choisir ou du libre arbitre. On l’a dit avec raison, le socialisme c’est le despotisme incarné.

En présence de ces folies, on se demande en vertu de quoi l’organisateur ose penser, agir et choisir, non-seulement pour lui, mais pour tout le monde ; car enfin il appartient à l’humanité, et à ce titre il est faillible. — Il l’est d’autant plus qu’il prétend étendre plus loin la sphère de sa science et de sa volonté.

Sans doute l’organisateur trouve que l’objection pèche par sa base, en ce qu’elle le confond avec le reste des