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taires, la force du corps et la joie de l’âme ; puisqu’on a pu dire que l’oisiveté était la mère de tous les vices, il faut bien reconnaître que le travail est le père de beaucoup de vertus.

Mais tout cela, sans préjudice des penchants naturels et invincibles du cœur humain ; sans préjudice de ce sentiment qui fait que nous ne recherchons pas le travail pour lui-même ; que nous le comparons toujours à son résultat ; que nous ne poursuivons pas par un grand travail ce que nous pouvons obtenir par un travail moindre ; que, placés entre deux peines, nous ne choisissons pas la plus forte, et que notre tendance universelle est d’autant plus de diminuer le rapport de l’effort au résultat, que si par là nous conquérons quelque loisir, rien ne nous empêche de le consacrer, en vue de récompenses accessoires, à des travaux conformes à nos goûts.

D’ailleurs, à cet égard le fait universel est décisif. En tous lieux, en tous temps nous voyons l’homme considérer le travail comme le côté onéreux, et la satisfaction comme le côté compensateur de sa condition. En tous lieux, en tous temps, nous le voyons se décharger, autant qu’il le peut, de la fatigue du travail soit sur les animaux, sur le vent, sur l’eau, la vapeur, les forces de la nature, soit, hélas ! sur la force de son semblable, quand il parvient à le dominer. Dans ce dernier cas, je le répète parce qu’on l’oublie trop souvent, le travail n’est pas diminué, mais déplacé[1].

L’homme, étant ainsi placé entre deux peines, celle du besoin et celle du travail, pressé par l’intérêt personnel, cherche s’il n’aurait pas un moyen de les éviter toutes les deux, au moins dans une certaine mesure. Et c’est alors que la spoliation se présente à ses yeux comme la solution du problème.

  1. On l’oublie quand on pose cette question : Le travail des esclaves revient-il plus cher ou meilleur marché que le travail salarié ?