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Entre ces deux termes, essentiellement intimes et intransmissibles, le besoin et la satisfaction, s’interpose le moyen transmissible, échangeable : l’effort.

Et au-dessus de l’appareil, plane la faculté de comparer, de juger : l’intelligence. Mais l’intelligence humaine est faillible. Nous pouvons nous tromper. Cela n’est pas contestable ; car si quelqu’un nous disait : L’homme ne peut se tromper, nous lui répondrions : Ce n’est pas à vous qu’il faut démontrer l’harmonie.

Nous pouvons nous tromper de plusieurs manières ; nous pouvons mal apprécier l’importance relative de nos besoins. En ce cas, dans l’isolement, nous donnons à nos efforts une direction qui n’est pas conforme à nos intérêts bien entendus. Dans l’ordre social, et sous la loi de l’échange, l’effet est le même ; nous faisons porter la demande et la rémunération vers un genre de services futiles ou nuisibles, et déterminons de ce côté le courant du travail humain.

Nous pouvons nous tromper encore, en ignorant qu’une satisfaction ardemment cherchée ne fera cesser une souffrance qu’en ouvrant la source de souffrances plus grandes. Il n’y a guère d’effet qui ne devienne cause. La prévoyance nous a été donnée pour embrasser l’enchaînement des effets, pour que nous ne fassions pas au présent le sacrifice de l’avenir ; mais nous manquons souvent de prévoyance.

L’erreur déterminée par la faiblesse de notre jugement ou par la force de nos passions, voilà la première source du mal. Elle appartient principalement au domaine de la morale. Ici, comme l’erreur et la passion sont individuelles, le mal est, dans une certaine mesure, individuel aussi. La réflexion, l’expérience, l’action de la responsabilité en sont les correctifs efficaces.

Cependant les erreurs de cette nature peuvent prendre un caractère social et engendrer un mal très-étendu, quand