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naturelles, est détestable. Donc il faut arracher du mécanisme ce rouage malfaisant, la liberté (qu’ils ont soin de nommer concurrence, et même concurrence anarchique), et y substituer par force des rouages artificiels de notre invention. — Là-dessus, des millions d’inventions se présentent. C’est bien naturel, car les espaces imaginaires n’ont pas de limites.

Nous, après avoir étudié les lois providentielles de la société, nous disons : Ces lois sont harmoniques. Elles admettent le mal, car elles sont mises en œuvre par des hommes, c’est-à-dire, par des êtres sujets à l’erreur et à la douleur. Mais le mal aussi a, dans le mécanisme, sa mission qui est de se limiter et de se détruire lui-même en préparant à l’homme des avertissements, des corrections, de l’expérience, des lumières, toutes choses qui se résument en ce mot : Perfectionnement.

Nous ajoutons : Il n’est pas vrai que la liberté règne parmi les hommes ; il n’est pas vrai que les lois providentielles exercent toute leur action, ou du moins, si elles agissent, c’est pour réparer lentement, péniblement l’action perturbatrice de l’ignorance et de l’erreur. — Ne nous accusez donc pas quand nous disons laissez faire ; car nous n’entendons pas dire par là : laissez faire les hommes, alors même qu’ils font le mal. Nous entendons dire : étudiez les lois providentielles, admirez-les et laissez-les agir. Dégagez les obstacles qu’elles rencontrent dans les abus de la force et de la ruse, et vous verrez s’accomplir au sein de l’humanité cette double manifestation du progrès : l’égalisation dans l’amélioration.

Car enfin, de deux choses l’une : ou les intérêts des hommes sont concordants, ou ils sont discordants par essence. Qui dit Intérêt dit une chose vers laquelle les hommes gravitent invinciblement, sans quoi ce ne serait pas l’intérêt ; et s’ils gravitaient vers autre chose, c’est cette