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mal, on est étonné que les révolutions ne soient pas plus fréquentes, et l’on admire les sacrifices que les peuples savent faire à l’ordre et à la tranquillité publique.

Que si les Lois et les Gouvernements qui en sont les organes se renfermaient dans les limites que j’ai indiquées, je me demande d’où pourraient venir les révolutions. Si chaque citoyen était libre, il souffrirait moins sans doute, et si, en même temps, il sentait la responsabilité qui le presse de toutes parts, comment lui viendrait l’idée de s’en prendre de ses souffrances à une Loi, à un Gouvernement qui ne s’occuperait de lui que pour réprimer ses injustices et le protéger contre les injustices d’autrui ? A-t-on jamais vu un village s’insurger contre son juge de paix ?

L’influence de la liberté sur l’ordre est sensible aux États-Unis. Là, sauf la Justice, sauf l’administration des propriétés communes, tout est laissé aux libres et volontaires transactions des hommes, et nous sentons tous instinctivement que c’est le pays du monde qui offre aux révolutions le moins d’éléments et de chances. Quel intérêt, même apparent, y peuvent avoir les citoyens à changer violemment l’ordre établi, quand d’un côté cet ordre ne froisse personne, et que d’autre part il peut être légalement modifié au besoin avec la plus grande facilité ?

Je me trompe, il y a deux causes actives de révolutions aux États-Unis : l’Esclavage et le Régime restrictif. Tout le monde sait qu’à chaque instant ces deux questions mettent en péril la paix publique et le lien fédéral. Or, remarquez-le bien, peut-on alléguer, en faveur de ma thèse, un argument plus décisif ? Ne voit-on pas ici la loi agissant en sens inverse de son but ? Ne voit-on pas ici la Loi et la Force publique, dont la mission devrait être de protéger les libertés et les propriétés, sanctionner, corroborer, perpétuer, systématiser et protéger l’oppression et la spoliation ? Dans la question de l’esclavage, la loi dit : « Je créerai une