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à la portée du citadin la douteuse moralité des spectacles ?

Et puis on ne déplace pas les richesses sans déplacer le travail et la population. C’est donc toujours un arrangement factice et précaire, substitué à cet ordre solide et régulier qui repose sur les immuables lois de la nature.

Il y en a qui croient qu’un gouvernement circonscrit en est plus faible. Il leur semble que de nombreuses attributions et de nombreux agents donnent à l’État la stabilité d’une large base. Mais c’est là une pure illusion. Si l’État ne peut sortir d’un cercle déterminé sans se transformer en instrument d’injustice, de ruine et de spoliation, sans bouleverser la naturelle distribution du travail, des jouissances, des capitaux et des bras, sans créer des causes actives de chômages, de crises industrielles et de paupérisme, sans augmenter la proportion des délits et des crimes, sans recourir à des moyens toujours plus énergiques de répression, sans exciter le mécontentement et la désaffection, comment sortira-t-il une garantie de stabilité de ces éléments amoncelés de désordre ?

On se plaint des tendances révolutionnaires des hommes. Assurément on n’y réfléchit pas. Quand on voit, chez un grand peuple, les services privés envahis et convertis en services publics, le gouvernement s’emparer du tiers des richesses produites par les citoyens, la loi devenue une arme de spoliation entre les mains des citoyens eux-mêmes, parce qu’elle a pour objet d’altérer, sous prétexte de l’établir, l’équivalence des services ; quand on voit la population et le travail législativement déplacés, un abîme de plus en plus profond se creuser entre l’opulence et la misère, le capital ne pouvant s’accumuler pour donner du travail aux générations croissantes, des classes entières vouées aux plus dures privations ; quand on voit les gouvernements, afin de pouvoir s’attribuer le peu de bien qui se fait, se proclamer mobiles universels, acceptant ainsi la responsabilité du