Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/530

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Eh bien, ce raisonnement et d’autres semblables, dictés par l’expérience, que l’on entend répéter journellement dans le monde, et qui règlent la conduite de toute famille morale et éclairée, que sont-ils autre chose que l’application, dans des cas particuliers, d’une doctrine générale ? ou plutôt, qu’est-ce que cette doctrine, si ce n’est la généralisation d’un raisonnement qui revient dans tous les cas particuliers ? Le spiritualiste qui repousse, en principe, l’intervention de la limitation préventive, ressemble au physicien qui dirait aux hommes : « Agissez en toute rencontre comme si la pesanteur existait, mais n’admettez pas la pesanteur en théorie. »

Jusqu’ici nous ne nous sommes pas éloignés de la théorie malthusienne ; mais il est un attribut de l’humanité dont il me semble que la plupart des auteurs n’ont pas tenu un compte proportionné à son importance, qui joue un rôle immense dans les phénomènes relatifs à la population, qui résout plusieurs des problèmes que cette grande question a soulevés, et fait renaître dans l’âme du philanthrope une sérénité et une confiance que la science incomplète semblait en avoir bannies ; cet attribut compris, du reste, sous les notions de raison et prévoyance, c’est la perfectibilité. — L’homme est perfectible ; il est susceptible d’amélioration et de détérioration : si, à la rigueur, il peut demeurer stationnaire, il peut aussi monter et descendre les degrés infinis de la civilisation. Cela est vrai des individus, des familles, des nations et des races.

C’est pour n’avoir pas assez tenu compte de toute la puissance de ce principe progressif que Malthus a été conduit à des conséquences décourageantes, qui ont soulevé la répulsion générale.

Car, ne voyant l’obstacle préventif que sous une forme ascétique en quelque sorte, et peu acceptée, il faut en convenir, il ne pouvait pas lui attribuer beaucoup de force. Donc,