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profusion des germes. Cette surabondance paraît calculée partout en raison inverse de la sensibilité, de l’intelligence et de la force avec laquelle chaque espèce résiste à la destruction.

Ainsi, dans le règne végétal, les moyens de reproduction par semences, boutures, etc., que peut fournir un seul individu, sont incalculables. Je ne serais pas étonné qu’un ormeau, si toutes les graines réussissaient, ne donnât naissance chaque année à un million d’arbres. Pourquoi cela n’arrive-t-il pas ? parce que toutes ces graines ne rencontrent pas les conditions qu’exige la vie : l’espace et l’aliment. Elles sont détruites ; et comme les plantes sont dépourvues de sensibilité, la nature n’a ménagé ni les moyens de reproduction ni ceux de destruction.

Les animaux dont la vie est presque végétative se reproduisent aussi en nombre immense. Qui ne s’est demandé quelquefois comment les huîtres pouvaient multiplier assez pour suffire à l’étonnante consommation qui s’en fait ?

À mesure qu’on s’avance dans l’échelle des êtres, on voit bien que la nature a accordé les moyens de reproduction avec plus de parcimonie.

Les animaux vertébrés ne peuvent pas multiplier aussi rapidement que les autres, surtout dans les grandes espèces. La vache porte neuf mois, ne donne naissance qu’à un petit à la fois, et doit le nourrir quelque temps. Cependant il est évident que, dans l’espèce bovine, la faculté reproductive surpasse ce qui serait absolument nécessaire. Dans les pays riches, comme l’Angleterre, la France, la Suisse, le nombre des animaux de cette race s’accroît, malgré l’énorme destruction qui s’en fait ; et si nous avions des prairies indéfinies, il n’est pas douteux que nous pourrions arriver tout à la fois à une destruction plus forte et à une reproduction plus rapide. Je mets en fait que, si l’espace et la nourriture ne faisaient pas défaut, nous pourrions avoir dans quelques