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alors, comment se fait-il qu’un simple travailleur, qui n’a que ses bras, se procure, en France, en Angleterre, en Belgique, mille et un million de fois plus de satisfactions qu’il n’en recueillerait dans l’isolement, — non point dans l’hypothèse sociale qui vous révolte, mais dans cette autre hypothèse que vous chérissez, celle où le capital n’aurait encore rien usurpé  ?

Je tiendrai toujours le débat sur ce fait, jusqu’à ce que vous l’expliquiez avec votre nouvelle science, car, quant à moi, je crois en avoir donné la raison (chapitre VII).

Oui, prenez à Paris le premier ouvrier venu. Constatez ce qu’il gagne et les satisfactions qu’il se procure. Quand vous aurez bien déblatéré l’un et l’autre contre le maudit capital, j’interviendrai et dirai à cet ouvrier :

Nous allons détruire le capital et tout ce qu’il a créé. Je vais te mettre au milieu de cent millions d’hectares de la terre la plus fertile, que je te donnerai en toute propriété et jouissance, avec tout ce qu’elle contient dessus et dessous. Tu ne seras coudoyé par aucun capitaliste. Tu jouiras pleinement de tes quatre droits naturels, chasse, pêche, cueillette et pâture. Il est vrai que tu n’auras pas de capital ; car si tu en avais, tu serais précisément dans cette position que tu critiques chez les autres. Mais enfin tu n’auras plus à te plaindre du propriétarisme, du capitalisme, de l’individualisme, des usuriers, des agioteurs, des banquiers, des accapareurs, etc. La terre entière sera à toi. Vois si tu veux accepter cette position.

D’abord notre ouvrier rêvera le sort d’un monarque puissant. En y réfléchissant néanmoins, il est probable qu’il se dira : Calculons. Même quand on a cent millions d’hectares de bonne terre, encore faut-il vivre. Faisons donc le compte de pain, dans les deux situations.

Maintenant je gagne 3 francs par jour. Le blé étant à 15 francs, je puis avoir un hectolitre de blé tous les cinq