Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/500

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cas, elle se manifeste dans le travail actuel. Le progrès profite à celui-ci ; la détérioration incombe au capital.

Indépendamment de ce résultat, qui montre combien sont vides et vaines les déclamations inspirées à nos réformateurs modernes par la prétendue tyrannie du capital, il est une considération plus propre encore à éteindre, dans le cœur des ouvriers, cette haine factice et désolante contre les autres classes, qu’on a tenté avec succès d’y allumer.

Cette considération, la voici :

Le capital, jusqu’où qu’il porte ses prétentions, et quelque heureux qu’il soit dans ses efforts pour les faire triompher, ne peut jamais placer le travail dans une condition pire que l’isolement. En d’autres termes, le capital favorise toujours plus le travail par sa présence que par son absence.

Rappelons-nous l’exemple que j’invoquais tout à l’heure.

Deux hommes sont réduits à pêcher pour vivre. L’un a des filets, des lignes, une barque et quelques provisions pour attendre les fruits de ses prochains travaux. L’autre n’a rien que ses bras. Il est de leur intérêt de s’associer[1]. Quelles que soient les conditions de partage qui interviendront, elles n’empireront jamais le sort de l’un de ces deux pêcheurs, pas plus du riche que du pauvre, car dès l’instant que l’un d’eux trouverait l’association onéreuse comparée à l’isolement, il reviendrait à l’isolement.

Dans la vie sauvage comme dans la vie pastorale, dans la vie agricole comme dans la vie industrielle, les relations du capital et du travail ne font que reproduire cet exemple.

Ainsi l’absence du capital est une limite qui est toujours à la disposition du travail. Si les prétentions du Capital allaient jusqu’à rendre, pour le Travail, l’action commune

  1. Voyez chapitre iv.