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l’on considère l’ensemble de ses transactions, à différer le marché. Au fait, voit-on beaucoup de capitaux oisifs pour cette cause  ? Sont-ils fort nombreux les manufacturiers qui arrêtent leur fabrication, les armateurs qui arrêtent leurs expéditions, les agriculteurs qui retardent leurs récoltes, uniquement pour déprécier le salaire, en prenant les ouvriers par la famine  ?

Mais, sans nier ici que la position du capitaliste à l’égard de l’ouvrier ne soit favorable sous ce rapport, n’y a-t-il rien autre chose à considérer dans leurs arrangements  ? Et, par exemple, n’est-ce pas une circonstance tout en faveur du travail actuel que le travail accumulé perde de sa valeur par la seule action du temps  ? J’ai déjà fait ailleurs allusion à ce phénomène. Cependant il importe de le soumettre ici de nouveau à l’attention des lecteurs, puisqu’il a une grande influence sur la rémunération du travail actuel.

Ce qui, selon moi, rend fausse ou du moins incomplète cette théorie de Smith, que la valeur vient du travail, c’est qu’elle n’assigne à la valeur qu’un élément, tandis qu’étant un rapport, elle en a nécessairement deux. En outre, si la valeur naissait uniquement du travail et le représentait, elle lui serait proportionnelle, ce qui est contraire à tous les faits.

Non, la valeur vient du service reçu et rendu ; et le service dépend autant, si ce n’est plus, de la peine épargnée à celui qui le reçoit que de la peine prise par celui qui le rend. À cet égard, les faits les plus usuels confirment le raisonnement. Quand j’achète un produit, je puis bien me demander : « Combien de temps a-t-on mis à le faire  ? » Et c’est là sans doute un des éléments de mon évaluation ; mais je me demande encore et surtout : « Combien de temps mettrais-je à le faire  ? Combien de temps ai-je mis à faire la chose qu’on me demande en échange  ? » Quand j’achète un service, je ne me demande pas seulement : Combien en