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manente, et c’est pour cela que ce qu’elles troublent mérite le nom de lois générales.

Pour se conformer à des lois générales, il faut les connaître. Qu’il me soit donc permis d’insister sur les rapports, si mal compris, du capitaliste et du travailleur.

Le capital et le travail ne peuvent se passer l’un de l’autre. Perpétuellement en présence, leurs arrangements sont un des faits les plus importants et les plus intéressants que l’économiste puisse observer. Et qu’on y songe bien, des haines invétérées, des luttes ardentes, des crimes, des torrents de sang peuvent sortir d’une observation mal faite, si elle se popularise.

Or, je le dis avec la conviction la plus entière, on a saturé le public, depuis quelques années, des théories les plus fausses sur cette matière. On a professé que, des transactions libres du capital et du travail, il devait sortir, non pas accidentellement, mais nécessairement, le monopole pour le capitaliste, l’oppression pour le travailleur, d’où l’on n’a pas craint de conclure que la liberté devait être partout étouffée ; car, je le répète, quand on a accusé la liberté d’avoir engendré le monopole, on n’a pas seulement prétendu constater un fait, mais exprimer une Loi. À l’appui de cette thèse, on a invoqué l’action des machines et celle de la concurrence. M. de Sismondi, je crois, a été le fondateur, et M. Buret, le propagateur de ces tristes doctrines, bien que celui-ci n’ait conclu que fort timidement et que le premier n’ait pas osé conclure du tout. Mais d’autres sont venus qui ont été plus hardis. Après avoir soufflé la haine du capitalisme et du propriétarisme, après avoir fait accepter des masses comme un axiome incontestable cette découverte : La liberté conduit fatalement au monopole, ils ont, volontairement ou non, entraîné le peuple à mettre la main sur cette liberté maudite[1].

  1. Journées de juin 1848.