Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/45

Cette page a été validée par deux contributeurs.

que Xerxès qui, dans l’enivrement de sa puissance, ait osé dire aux flots : « Vous n’irez pas plus loin. » Les flots cependant ne reculèrent pas devant Xerxès ; mais Xerxès recula devant les flots, et, sans cette humiliante mais sage précaution, il aurait été englouti.

La Force manque donc aux Organisateurs pour soumettre l’humanité à leurs expérimentations. Quand ils gagneraient à leur cause l’autocrate russe, le schah de Perse, le kan des Tartares et tous les chefs des nations qui exercent sur leurs sujets un empire absolu, ils ne parviendraient pas encore à disposer d’une force suffisante pour distribuer les hommes en groupes et séries, et anéantir les lois générales de la propriété, de l’échange, de l’hérédité et de la famille ; car, même en Russie, même en Perse et en Tartarie, il faut compter plus ou moins avec les hommes. Si l’empereur de Russie s’avisait de vouloir altérer la constitution morale et physique de ses sujets, il est probable qu’il aurait bientôt un successeur, et que ce successeur ne serait pas tenté de poursuivre l’expérience.

Puisque la force est un moyen tout à fait hors de la portée de nos nombreux Organisateurs, il ne leur reste d’autre ressource que d’obtenir l’assentiment universel.

Il y a pour cela deux moyens : la persuasion et l’imposture.

La persuasion ! mais on n’a jamais vu deux intelligences s’accorder parfaitement sur tous les points d’une seule science. Comment donc tous les hommes, de langues, de races, de mœurs diverses, répandus sur la surface du globe, la plupart ne sachant pas lire, destinés à mourir sans entendre parler du réformateur, accepteront-ils unanimement la science universelle ? De quoi s’agit-il ? De changer le mode de travail, d’échanges, de relations domestiques, civiles, religieuses, en un mot, d’altérer la constitution physique et morale de l’homme ; — et l’on espérerait rallier l’humanité tout entière par la conviction !