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économique de la société semble organisé en prévision de cette tendance. C’est avec cette tendance qu’il est en parfaite harmonie. Le propriétaire foncier aspire toujours à se faire payer l’usage des agents naturels qu’il détient ; mais il est sans cesse déçu dans sa folle et injuste prétention par l’abondance d’agents naturels analogues qu’il ne détient pas. La libéralité, relativement indéfinie, de la nature fait de lui un simple détenteur. Maintenant vous m’acculez à l’époque où les hommes ont trouvé la limite de cette libéralité. Il n’y a plus rien à attendre de ce côté-là. Il faut inévitablement que la tendance humaine à s’accroître soit paralysée, que la population s’arrête. Aucun régime économique ne peut l’affranchir de cette nécessité. Dans l’hypothèse donnée, tout accroissement de population serait réprimé par la mortalité ; il n’y a pas de philanthropie, quelque optimiste qu’elle soit, qui aille jusqu’à prétendre que le nombre des êtres humains peut continuer sa progression, quand la progression des subsistances a irrévocablement fini la sienne.

Voici donc un ordre nouveau ; et les lois du monde social ne seraient pas harmoniques, si elles n’avaient pourvu à un état de choses possible, quoique si différent de celui où nous vivons.

La difficulté proposée revient à ceci : Étant donné, au milieu de l’Océan, un vaisseau qui en a pour un mois avant d’atteindre la terre et où il n’y a de vivres que pour quinze jours, que faut-il faire ? Évidemment réduire la ration de chaque matelot. Ce n’est pas dureté de cœur, c’est prudence et justice.

De même, quand la population sera portée à l’extrême limite de ce que peut entretenir le globe entier soumis à la culture, cette loi ne sera ni dure ni injuste, qui prendra les arrangements les plus doux et les plus infaillibles pour que les hommes ne continuent pas de multiplier. Or c’est la