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sance indestructible du sol, on lui répondait toujours : « Il y a des terres à côté. » Et ce seul mot mettait à néant ses exigences comme ses illusions.

Il se passa même, dans cette transaction, un fait qui a une grande importance économique et qui n’est pas assez remarqué.

Tout le monde comprend que si un manufacturier voulait vendre, après dix ou quinze ans, son matériel, même à l’état neuf, la probabilité est qu’il serait forcé de subir une perte. La raison en est simple : dix ou quinze ans ne se passent guère sans amener quelque progrès en mécanique. C’est pourquoi celui qui expose sur le marché un appareil qui a quinze ans de date ne peut pas espérer qu’on lui restitue exactement tout le travail que cet appareil a exigé ; car avec un travail égal l’acheteur peut se procurer, vu les progrès accomplis, des machines plus perfectionnées, — ce qui, pour le dire en passant, prouve de plus en plus que la valeur n’est pas proportionnelle au travail, mais aux services.

Nous pouvons conclure de là qu’il est dans la nature des instruments de travail de perdre de leur valeur par la seule action du temps, indépendamment de la détérioration qu’implique l’usage, et poser cette formule : « Un des effets du progrès, c’est de diminuer la valeur de tous les instruments existants. »

Il est clair, en effet, que plus le progrès est rapide, plus les instruments anciens ont de peine à soutenir la rivalité des instruments nouveaux.

Je ne m’arrêterai pas ici à signaler les conséquences harmoniques de cette loi ; ce que je veux faire remarquer, c’est que la Propriété foncière n’y échappe pas plus que toute autre propriété.

Frère Jonathan en fit l’épreuve. Car, ayant tenu à son acquéreur ce langage : — « Ce que j’ai dépensé sur cette