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valeur sans diminuer l’Utilité ; de faire que, pour se procurer les mêmes choses, chacun ait moins de peine à prendre ou à rémunérer ; d’accroître incessamment la masse de ces choses communes, dont la jouissance, se distribuant d’une manière uniforme entre tous, efface peu à peu l’Inégalité qui résulte de la différence des propriétés.

Ne nous lassons pas d’analyser le résultat de ce mécanisme.

Combien de fois, en contemplant les phénomènes du monde social, n’ai-je pas eu l’occasion de sentir la profonde justesse de ce mot de Rousseau : « Il faut beaucoup de philosophie pour observer ce qu’on voit tous les jours ! » C’est ainsi que l’accoutumance, ce voile étendu sur les yeux du vulgaire, et dont ne parvient pas toujours à se délivrer l’observateur attentif, nous empêche de discerner le plus merveilleux des phénomènes économiques : la richesse réelle tombant incessamment du domaine de la Propriété dans celui de la Communauté.

Essayons cependant de constater cette démocratique évolution, et même, s’il se peut, d’en mesurer la portée.

J’ai dit ailleurs que, si nous voulions comparer deux époques, au point de vue du bien-être réel, nous devions tout rapporter au travail brut mesuré par le temps, et nous poser cette question : Quelle est la différence de satisfaction que procure, selon le degré d’avancement de la société, une durée déterminée de travail brut, par exemple : la journée d’un simple manouvrier ?

Cette question en implique deux autres :

Quel est, au point de départ de l’évolution, le rapport de la satisfaction au travail le plus simple ?

Quel est ce même rapport aujourd’hui ?

La différence mesurera l’accroissement qu’ont pris l’utilité gratuite relativement à l’utilité onéreuse, le domaine commun relativement au domaine approprié.